Voici un texte de RSF très intéressant, et surtout en plein dans l’actualité… après que Google ait censuré les infos sur le Tibet en Chine. "La Chine a été l’un des premiers Etats répressifs à comprendre qu’elle ne pourrait pas se passer d’Internet et qu’il lui faudrait donc parvenir à le maîtriser. C’est un des rares pays à avoir réussi à aseptiser son Réseau, le purgeant de toute information critique du régime, tout en le développant. Quelle est la recette miracle de ce géant de la censure ?
Un savant mélange d’investissement, de technologie et de diplomatie. Pékin a investi des dizaines de millions de dollars pour s’équiper des meilleures technologies de filtrage et de surveillance du Réseau. Son système de filtrage est basé sur une liste noire de sites, mise à jour en permanence. L’accès aux publications « subversives » – un concept extensif allant de la pornographie à la critique politique, en passant par les sites pro-tibétains ou favorables à l’indépendance de Taïwan – est ensuite bloqué au niveau des grands noeuds de connexion (backbones) du Net chinois. Mais les capacités de censure des autorités vont bien au-delà de la simple liste noire. Le pouvoir est également en mesure de bloquer automatiquement les …
sites où sont repérés certains mots-clefs suspects – par exemple massacre + tiananmen.
La Chine a ensuite mis en place des systèmes lui permettant de censurer quasiment en temps réel les outils de discussion sur le Net. En alliant une cyberpolice pléthorique – on parle de dizaines de milliers de « cyberflics » – à des logiciels de censure sophistiqués, elle a réussi à vider les forums de discussion, très actifs il y a quelques années, de toute contestation politique. Un message appelant, par exemple, à des élections libres, dispose d’une durée de vie d’une demi-heure maximum. Les blogs ont également attiré l’attention du ministère de l’Industrie de l’Information (MII). Ce dernier a ainsi passé un accord avec les outils de blog basés en Chine pour qu’ils censurent leurs utilisateurs. Résultat, un « post » sur le Dalaï Lama apparaîtra criblé de trous, le logiciel de censure remplaçant par un espace
vide tout mot jugé « illégal ».
Mais comment la Chine a-t-elle pu se doter d’un arsenal technologique aussi efficace, alors qu’elle ne disposait il y a 10 ans d’aucune entreprise majeure dans le domaine d’Internet ? Avec l’aide des grandes entreprises américaines du secteur, Cisco en tête. Pour avoir leur part du juteux marché chinois – déjà plus de 100 millions d’internautes –, ces sociétés ont fermé les yeux sur l’usage qui était fait de leur technologie. Certaines ont même vraisemblablement collaboré directement à l’installation des systèmes de filtrage et de surveillance chinois. Pékin a même réussi à faire plier les grands moteurs de recherche étrangers. Yahoo ! a accepté il y a déjà plusieurs années de faire disparaître de sa version
chinoise tous les résultats de recherche qui déplaisent au pouvoir. Google, qui s’y était longtemps refusé, semble aujourd’hui s’engager sur la même voie.
Enfin, la justice chinoise est sans pitié envers les éditeurs de sites qui ne respectent pas les consignes du Parti. Plus de 60 cyberdissidents sont actuellement emprisonnés pour avoir voulu diffuser une information indépendante sur le Réseau. Certains d’entre eux purgent des peines de plus de 10 ans. Bref, avant de s’aventurer à créer un blog en Chine, mieux vaut se renseigner sur les consignes de sécurité à respecter. Chez ce champion du monde de la censure, les bloggers se doivent d’être malins et prudents."
Source : JULIEN PAIN
Responsable du bureau Internet et Libertés de Reporters sans frontières
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